C’était une de nos escales les plus attendues : l’île des Etats s’offre enfin à nous, et on a l’impression de l’avoir bien méritée.
Encaissé au fond d’une baie déjà impressionnante, le petit lagon de puerto Hoppner est accessible par un passage traître entre deux cailloux. Il n’y a que 4 ou 5m de chaque côté du bateau, à ne pas tenter avec un fort courant de mi-marée !!
Dans toute la Patagonie, on trouve des williwaws (renommés Willy Wonka par nos soins), ces rafales de vent catabatiques qui descendent de la montagne à des vitesses folles. Heureusement, nous sommes protégés de tout derrière notre petit caillou.
Il pleut, mais cela ne nous empêche pas d’aller nous frayer un chemin à travers les arbustes pour admirer la baie magnifique, avec ses plantes improbables
18 janvier – départ pour Puerto Español
Avant d’arriver à Ushuaïa, il nous reste de la route : le détroit de Lemaire, réputé pour ses courants qui peuvent lever des vagues de 10m, puis le détroit de Beagle of course.
La météo n’étant pas terrible, nous prévoyons un stop à Puerto Español, une baie à l’entrée du Beagle qui nous semble correcte.

Le lendemain de notre arrivée, Manon et moi tentons une balade à pied, pensant simplement grimper la colline et revenir au bateau.
Mais en descendant de l’annexe, nous apercevons une horde de vaches/taureaux sauvages qui nous court plus ou moins dessus ; une minute d’hésitation, on repart ou pas ? J’ai des souvenirs de troupeaux qui me déboulent dessus en Bourgogne, on ne fait pas les fières.
Puis, derrière les vaches, un homme arrive ; il porte une énorme masse et une barre de fer rouillée. Nos imaginations se déchaînent, tueur en série, gaucho alcoolisé qui veut nous séquestrer…
En réalité, il s’agit de Sergio Anselmino, et ce sera l’une des plus belles rencontres de notre descente. Il y un an et demi, fatigué de la vie à Ushuaïa, il a décidé de venir s’installer dans l’ancienne ferme en ruine du fond de la baie et d’en faire un refuge habitable. Il n’a aucun moyen de communication et se fait ravitailler uniquement par les bateaux qui passent de temps en temps. Malgré tout cela, il nous accueille à bras ouvert, nous offre pain, gâteaux, et luxe suprême : une douche chaude sur son perron (l’eau ne manque pas, et son poêle tourne à plein régime).
Il a très envie de parler (imaginez vivre seul pendant 1 an et demi !), et moi très envie de l’écouter. Manon comprend mal l’espagnol, mais le cœur y est. Sergio a 40 ans, en paraît 32, et a déjà eu une vie incroyable : 75 jours en autarcie sur l’île des Etats, une remontée à vélo jusqu’au Brésil, des photos vendues à des dizaines de milliers d’exemplaires…
Nous y retournons le lendemain avec Antoine. Il bidouille un peu l’unique panneau solaire de Sergio, qui sert à alimenter une LED et les hauts-parleurs pour la musique (essentielle pour ne pas devenir fou, nous raconte-t-il). Puis il nous parle de la sculpture pyramidale qui se dresse sur la plage derrière le refuge : El Alma del Mundo.
L’idée derrière la sculpture : un cube géant contenu dans notre terre, dont les 8 arêtes sortiraient à des points précis. Déjà 6 ont été construites, il en reste une à ériger à Saint-Jacques de Compostelle, et une autre sous l’eau dans un lagon australien. C’est assez poétique, et cette pyramide ocre battue par les vents et les vagues de Patagonie laisse rêveur…
21-22 janvier : Détroit de Beagle
On pensait avoir atteint notre niveau maximum de navigation hardcore avant l’Ile des Etats, loin de là. Dans un esprit pédagogique et de préparation pour le Drake (ou peut-être était-ce le fait qu’il nous restait 50 litres de gasoil, et 45 milles à faire face au vent ?), nous décidons comme si de rien n’était de tirer des bords pour rejoindre Ushuaïa.
Comme certains le savent, les plans Caroff ne sont pas des bateaux particulièrement taillés pour remonter au vent (ahem). C’est d’autant plus une grosse fierté d’avoir réussi à atteindre Ushuaïa en 46 virements de bord, par 25-30 nœuds apparents, avec 1 bon nœud de courant dans le nez. On n’est même pas sûrs d’avoir effectué 46 virements dans toute l’année 2019…
Arrivée au petit matin, avec le mythique phare des Eclaireurs, un joli lever de soleil et des montagnes enneigées.
Etat des stocks en posant le pied à terre, à peu de choses près la vie devenait TRES compliquée :
Et voilà, Aukena et tout l’équipage est enfin arrivé à Ushuaïa, l’escale que nous préparions depuis des années, notre bout du monde à nous.
Nous avons débarqué à l’Afasyn, club historique de la ville, un peu plus éloigné du centre mais à l’ambiance plus sympa que le Club nautico. C’est la première fois que je vois un port où tout le monde est toujours en train de faire quelque chose : avitaillement, réparations, préparations, tests techniques… On est loin des journées sieste-apéro des ports de l’Atlantique.
Sur mon échelle de satisfaction des sanitaires (perfectionnée depuis des années dans toutes les marinas que nous avons testées), on atteint des sommets : salles de bains individuelles chauffées, propres, avec douches immenses et bon débit d’eau. Ça fait du bien après plusieurs jours sans douche (je ne préciserai pas le nombre exact au risque de choquer les mœurs les plus sensibles).
Au ponton, une douzaine de bateaux : certains qu’on connaît déjà, comme Max ou Fratelli, d’autres dont nous avons entendu parler, comme Pikaïa, qui deviennent nos voisins préférés. Il y a aussi quelques nouvelles têtes et les voiliers de charter qui vont en Antarctique (Spirit of Sydney, Icebird et Podorange).
Tout ce petit monde trouve quand même le temps de faire une soirée barbecue en intérieur (concept purement argentin) dans la salle commune du club. L’occasion pour nous de poser mille questions, et de retrouver Yves et Marie de Toupa II autour de chants de marins. Une bonne cuite, et après on se met à la préparation…
Les choses sérieuses commencent, la prochaine étape c’est L’ANTARCTIQUE !
Super, merci Marion et Antoine par les temps qui courent ,c’est vraiment génial de voyager avec vous !!!! Quelle belle évasion pour sortir du confinement » en toute sécurité »
Nous attendons avec impatience la suite pour admirer à nouveau les glaces ….on garde nos images fabuleuses de l’Arctique….que nous n’avons pas su diffuser…..pas votre talent !
MERCI Merci merci et à très bientôt
Le confinement sur l’île d’Yeu reste très très rigoureux ….peut être + sévère qu’ailleurs mais beaucoup moins angoissant. L’île a tout de suite été facilement isolée avec la suppression des bateaux
Plein plein de bisous à vous 2 (Non cotaminants)
Sylvie et Jean Ba