Depuis le temps qu’on préparait cette expédition – des mois, des années ? – On a toujours du mal à croire que ça y est, on l’a fait. Nous sommes allés en Antarctique avec notre voilier.
Sentiment étrange que de revenir à Ushuaia après 1 mois dans les glaces, et de retrouver le monde tel qu’il est aujourd’hui, ravagé par le coronavirus. Coupés du monde pendant 5 semaines, nous ne nous rendions pas du tout compte de l’ampleur de la pandémie : même avec les quelques nouvelles des proches, même après s’être vus refuser l’entrée à la base scientifique américaine Palmer qui s’est confinée très tôt pour éviter la propagation du virus.
L’Antarctique a été pour nous une expérience incroyable, riche et exigeante à tous les niveaux : technique, humain, émotionnel, physique. Nous avons ri, nous en avons bavé, nous nous sommes émerveillés, nous avons réfléchi. Nous avons parlé aux baleines, estimé la taille des icebergs au sextant, plongé dans l’eau à 1,6º, marché sur les traces encore visibles des premiers explorateurs. Nous avons douté aussi, de la légitimité de notre présence dans un espace aussi vierge : même à notre petite échelle, nous avons forcément un impact sur la faune et la flore…
Trêve de papotage !
Installez-vous bien, faites-vous un thé, parce que c’est long…
Pour nous, l’Antarctique commence en juillet-août 2019 : en effet, même si l’endroit n’est habité que par des pingouins manchots et quelques scientifiques fous, le quidam moyen ne peut pas se pointer comme une fleur et grimper sur le premier iceberg venu. Il y a des règles.
Le territoire est divisé entre plusieurs pays, et chaque personne désirant poser le pied en péninsule doit faire une demande officielle auprès de son pays de résidence. Nous avons donc rempli le dossier de demande d’autorisation pour une expédition en Antarctique via le ministère des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF). Heureusement que ça se fait en ligne, car ils sont basés à La Réunion avec des horaires d’ouverture pires que ceux de la Poste. Le dossier fait une trentaine de pages avec :
- Notre projet détaillé
- L’équipement complet du bateau
- Le programme jour par jour (petite aberration 6 mois avant)
- Une expertise
- Une étude de notre impact sur l’environnement
Pour monter tout ça, il faut se farcir un nombre incalculable de documents officiels, directives et autres rapports, examiner toutes les zones protégées, enfin bref ça nous a bien pris une centaine d’heures.
Le dossier est passé en jugement en septembre, et nous avons eu la validation finale début octobre lors de notre passage à Rio.
29 janvier – Départ d’Ushuaïa – Canal Beagle
Les dernières vérifications sont faites, l’avitaillement monstrueux aussi : 4 personnes pendant 2 mois (marge de sécurité comprise), ça fait beaucoup beaucoup de nourriture… Surtout quand on a une peur maladive de manquer de beurre, Oui Marine je parle de toi. Cf vidéo ci-dessous.
Le meilleur créneau météo pour descendre consiste à partir à la toute fin d’une dépression, pour avoir le temps d’être assez au sud lors du passage de la dépression suivante et ne pas se prendre un truc « trop » énorme dans la tronche.
Il est 21h00, les amarres sont larguées sur du Joe Dassin, sous les au-revoir des bateaux copains. A peine sortis de la baie d’Ushuaïa, l’anémomètre atteint 57 nœuds de vent : la fin de la dépression, on la sent bien ! Heureusement, nous allons dans le bon sens, sous trinquette seule : la GV a perdu quelques coulisseaux en voulant mettre le 3ème ris. Cela dure quelques heures, puis le vent se calme, jusqu’à tomber complètement.
Passage de Drake

Nous ne sommes pas passés par la case Puerto Williams au Chili, et on nous indique donc gentiment à la VHF que nous n’avons pas le droit de passer entre les îles du Horn. Il nous faut faire le grand tour à l’est de Isla Nueva, nous n’apercevrons le cap que le soir de loin et au petit matin dans la brume.
Quelques belles journées de soleil, nous passons le 60eme parallèle sud (sifflant ? mugissant ? chuchotant ?), puis c’est le gris, les vagues, la déprime, le près. On s’occupe comme on peut, par exemple en en confectionnant des chaussons parce qu’on a froid aux pieds. La température descend de quelques degrés tous les jours.
Le pire, c’est l’humidité : une fois passé la convergence Antarctique polaire (point de rencontre des eaux Atlantiques et Antarctiques), il fait environ 4º dehors, et dès que nous allumons la gazinière (c’est-à-dire 5 fois par jour pour nous réchauffer), le bateau se transforme en véritable étuve. Evidemment, il est impossible d’ouvrir un hublot vu qu’il y a 3m de vagues dehors.
Au bout de 6 jours, l’air extérieur est à 3.5º, l’eau à 2.8. A 21h, grosse tache blanche sur l’horizon, noire au radar, d’environ 2km de long. Pas d’île à cet endroit sur la carte, c’est bel et bien notre premier iceberg !!
Pour éviter d’arriver de nuit, nous ralentissons le bateau (je l’ai déjà dit, mais il n’y a rien de plus frustrant). Heureusement à cette époque de l’année, il ne fait sombre que de minuit à 3h30, ça ne fait pas longtemps à attendre.
6 février : Arrivée sur le sol antarctique
Après 6 jours et demi de traversée, nous posons enfin l’ancre en Antarctique à 6h du matin. Nous sommes dans l’archipel de Melchior, sur l’île Omega. Le mouillage est très sécurisé, face à une falaise de glace de 100m de haut qui craque et gronde tout la journée. Au début, on sursaute à chaque fois, espérant (craignant) voir tomber des blocs énormes. Mais ça n’arrive pas, et on s’habitue étrangement vite !
Il fait beau, le poêle ronronne, nous marchons un peu sur la crête derrière nous. Le panorama est incroyable : des baleines, des icebergs, des montagnes …
A 17h00, deux bateaux de charter entrent dans la baie, et se mettent à couple d’Aukena. On ne s’attendait pas à voir du monde en Antarctique, encore moins le premier jour dans notre premier mouillage !

J’avais promis que je terminerai la table de cockpit si et seulement si nous arrivions à faire 2 apéros dehors en Antarctique. Et bien je dois m’y mettre dès le 2ème jour, tellement les journées sont belles. Au soleil, sans vent, on atteint presque les 13º !
Il fait tellement beau que nous décidons de prendre un petit bain – avec combinaison de survie quand même, l’eau est à 1,7ºC. Il faut bien les essayer avant d’avoir à les utiliser vraiment… On en profite aussi pour faire un exercice de remontée d’homme à la mer, les équipages des bateaux de charters nous regardent avec des yeux ronds.
2ème mouillage : base chilienne Gonzalez Videla
Départ à regret de Melchior, direction on ne sait pas trop où entre plusieurs mouillages. Les premières heures sont parfaites, sous le soleil et accompagnés de baleines.
Mais quand on voit une barre de nuages noirs, que le vent monte à 30 nœuds et qu’on doit passer entre deux icebergs qui bougent, on se dit qu’on va pas faire les foufous. Cap sur la base scientifique chilienne Gonzalez Videla.

Le mouillage du fond est déjà occupé par un bateau français, nous nous installons à l’entrée de la baie avec deux amarres à terre. La base se sent de loin : elle est littéralement recouverte de manchots Papous, qui n’ont visiblement pas encore masterisé le concept de toilettes sèches – l’odeur pique les yeux. L’un des militaires de la base nous dit d’ailleurs : « le sol ici, c’est pas de la terre ! »
Nous nous extasions tous les 4 devant les manchots. Tant de mignonitude dans un si petit corps, c’est absurde. Qu’ils marchent, nagent, mangent ou dorment, ces animaux sont ridiculement chou !
L’accueil des Chiliens est très agréable quoique moins chaleureux que celui des Argentins. Ils nous font visiter un peu leur base, ainsi que le petit musée retraçant avec photos l’arrivée des premiers colons. Leur mission n’est pas scientifique : ils sont en charge de la coordination des secours dans toute la péninsule, et sont très fiers de nous expliquer que leur hélicoptère consomme « seulement » 800L de gasoil pour 2h de trajet jusqu’à King George Island… C’est bien, je commençais à avoir des remords de venir polluer cet espace vierge, certes à notre toute petite échelle mais quand même. Ça remet en perspective, mais ça déprime presque davantage. Cela dit, au moins on sait que s’il y a un souci ou une évacuation à faire, c’est à leur porte qu’il faut frapper !
C’est l’anniversaire de Manon, et elle a commandé une galette des rois : après environ 38h de préparation de la pâte feuilletée (à ne jamais faire chez soi, Herta est votre meilleure amie), je fais semblant d’accepter sereinement le fait de ne pas avoir eu la fève.
3ème mouillage : Paradise Bay – Skontorp
A quelque 7 milles de Gonzalez Videla, nous posons l’ancre au sud d’une autre base, argentine cette fois, Almirante Brown (renommée Alphonse Brown par notre équipe d’intellectuels). Sur le chemin, la baie du Paradis reflète ses montagnes enneigées sur le calme parfait de l’eau, perturbé uniquement par quelques manchots et icebergs. Le ciel est couvert, il fait froid, mais c’est supportable : 4 ou 5º dehors, on n’est même pas à notre maximum niveau couches de vêtements.
Point technique : en Antarctique, s’arrêter quelque part est un poil plus compliqué que juste poser l’ancre. Les mouillages sont étroits, avec des fonds de roche qui descendent très vite et de très forts vents: il faut donc poser l’ancre tout en reculant le bateau, et aller attacher des amarres à terre en annexe. C’est parfois sportif, et parfois vraiment drôle, surtout quand certains ont une technique de rame de niveau 8000 :
Première erreur de l’expédition : nous n’avons pas pris la météo depuis notre départ de Melchior, soit 4 jours plus tôt. Le soir du 2ème jour, un vent de sud-ouest se lève. Avec la petite pluie qui est tombée toute la journée, le glacier de Skontorp gronde et lâche des morceaux d’icebergs (il « vêle » pour les scientifiques, c’est rigolo comme mot). Ces derniers rentrent gentiment dans notre baie et menacent notre ancre et nos amarres. Le fond est rocheux, et avec les rafales catabatiques (=qui descendent de la montagne, pas à cheval mais très vite), notre ancre chasse. A 1h du matin, le safran touche les cailloux. Moteur à fond, nous essayons de reposer l’ancre plus loin, elle croche enfin après plus de 15m à racler le fond. La nuit se terminera par des quarts de surveillance, gaffe à la main pour repousser les blocs de glace de 3 à 5m qui s’approchent trop près du bateau. Autant vous dire que le matin (enfin à 15h) nous n’avons pas la patate.
Rayon de soleil sur cette ambiance morose : l’arrivée de l’Europa, le seul 3-mâts du début 20ème à faire des croisières en Antarctique. Magnifique, il passe doucement entre les icebergs, nous en profitons pour lui demander la météo par radio (ils passeront même nous l’apporter en annexe, imprimée avec un petit mot !).
4ème mouillage – base Ukrainienne Vernadsky
Départ aux aurores, nous voulons avoir de la marge pour choisir notre mouillage en fonction du vent et des zones éventuellement bloquées par les glaces. Nous passons devant le lieu d’hivernage historique de Charcot avec son bateau Le Français, mais il est rempli d’icebergs.

Point drame absolu : au moment de faire le café, plus de gaz à la gazinière. Nous avons terminé notre première bouteille. Rapide calcul, cela fait 11 jours que nous sommes partis d’Ushuaïa avec 2 bouteilles pleines, il nous reste potentiellement 25 jours à tenir. On s’imagine déjà se rationner sur le pain, les gâteaux, le thé, et surtout les bouillottes… Le moral en prend un coup.
Il est encore tôt, nous décidons de pousser jusqu’à la base Ukrainienne Vernadsky, peut-être qu’ils auront du gaz à nous vendre… C’est le point le plus au sud de notre programme en Antarctique, après cela ce ne sera plus qu’une longue remontée vers le Nord.
Le mouillage est réputé pour être l’un des 3 spots vraiment safes de toute la zone (Avec Melchior et probablement Port Lockroy). Avant d’atteindre la petite crique de Stella, il faut déambuler entre les îlots et les rochers, toujours sans aucune cartographie. Dans la baie,40m de chaîne et 4 aussières à terre. Les cailloux sont très friables et donnent moyennement confiance, heureusement que c’est très abrité du vent.
Nous appelons la base pour aller leur dire bonjour, avec l’idée sous-jacente de se faire inviter à boire des coups au bar. Non non, nous ne commençons pas à délirer à cause de l’isolement, il y a bel et bien un bar dans la base scientifique :
On nous raconte que lors du réaménagement de la base dans les années 80 (à l’époque britannique), le chef charpentier décide d’allouer quelques tonnes de bois à la construction d’un bar en bonne et due forme. Il était peut-être porté sur la bouteille – comme tout bon anglais qui se respecte me direz-vous -, toujours est-il qu’il s’est fait promptement virer après ça. Le résultat, c’est le bar Faraday, une merveille d’incongruité en Antarctique, avec tireuse intégrée et odeur d’Irish pub ad hoc.
La tradition voulait que toute femme qui arrivait dans ce bar (c’est-à-dire pas beaucoup) pouvait laisser un sous-vêtement en échange de verres gratuits. Malheureusement, les ukrainiens ont cessé d’honorer cette tradition… Et puis les verres sont gratuits de toute façon. Ça restera l’un de mes plus grands regrets.
Nous sommes jeudi, et notre interlocuteur / guide / IT manager Alex Sasha nous apprend tristement que pour boire des coups, ce ne sera pas aujourd’hui : les scientifiques ont limité les soirées alcoolisées au samedi soir, histoire d’être quand même un peu efficaces le reste de la semaine.
On envisage vaguement de rester jusqu’au samedi, mais sans enthousiasme. En attendant, balade autour du mouillage, avec phoques de Wedell, otaries à fourrure et la petite cabane de Wordie House. C’est le premier poste d’hivernage des britanniques, avant que la base principale ne soit construite.
Le vendredi, nous voyons débarquer Podorange, un voilier de charter de 20m avec qui nous avions un peu discuté à Ushuaïa. Premier réflexe : leur demander s’ils veulent bien nous vendre quelques kilos de gaz… Et là, joie et jubilation, Brice le skipper nous prête carrément une bouteille entière de 12 kilos ! On va pouvoir se lâcher sur les cookies, on fait même une bleusiflette le soir pour fêter ça.
Avec 10 ans de visites à Vernadsky à son actif, Brice est un peu VIP. Les scientifiques décident de décaler le samedi soir au vendredi, et du coup on décide de rester (ah, l’appel de la gnôle…). On va simplement passer l’après-midi autour des îles de Yalour, toutes proches et peuplées de manchots Adélie que nous ne connaissons pas encore, avant de rentrer à la base pour la soirée.
On s’offre même le luxe d’une plancha en extérieur, à la dérive, au milieu des icebergs. Moment de pur bonheur, surtout lorsqu’on pense à poser une bouillotte chaude sur la bouteille de butane, qui n’aime que moyennement les températures proches de 0.
Soirée à Vernadsky nº1 (spoiler alert, il y en aura 2)
Armés d’une bouteille de vin, nous débarquons à 21h00, pensant boire quelques coups avec les scientifiques sans faire de folies. Sauf qu’ils ont de la vodka maison, faite avec l’eau du glacier…Nous rentrerons à 1h30, bien éméchés, après des parties de billard endiablées. Tout le monde est adorable, avec des mentions spéciales :
- Brice, Manue et Pierre-Emmanuel de Podorange, et leur « punch » Cachaça-citron
- Alex Sasha qui s’ennuie un peu à la base maintenant qu’il y a installé Internet et Whatsapp
- Oksana la biologiste fana de baleines, qui récupère nos photos pour ses études
- Sasha bis qui nous ressert des coups sans interruption, son nez couleur lie-de-vin
- Bogdan le géomagnétiste (??) qui joue de l’harmonica et nous invite à utiliser son sauna le lendemain, honneur suprême accordé uniquement à Brice et nous
Le lendemain, rendez-vous donc au sauna, les hommes d’abord puis les femmes. C’est un moment hors du temps, une sensation indescriptible : la détente est absolue, j’oublie pendant quelques minutes où je suis, le stress et la fatigue de l’expédition s’évaporent dans l’air à 95ºC. Puis c’est l’adrénaline pure, ce formidable rush d’énergie lorsque nous rentrons dans l’eau glaciale : on ne tient que quelques secondes, jusqu’à sentir nos poumons se contracter et nos doigts brûler. Les manchots nous regardent, un bloc de glace passe.
Manue, l’équipière de Podorange, a bien envie de parler à quelqu’un d’autre que les clients de son bateau : on ne réalise pas tous les jours la chance qu’on a de pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut, entre nous, tranquillement…
Dans l’après-midi arrive un autre bateau VIP : Sarah W. Vorwerk. Le samedi soir est donc à nouveau décalé au samedi soir, nous re-débarquons armés d’une bouteille de vin et d’un brownie géant made by Antoine. Nous sommes une bonne trentaine au bar, et la soirée prend une tournure moins agréable quand certains passent visiblement le niveau acceptable d’alcoolémie… Mais nous on rentre contents !

Le lendemain, la tête un peu dans le pâté, nous partons pour notre prochaine escale : l’île Pléneau. En fait, nous mouillons entre deux autres petites îles, Florence et Hovgaard :
40m de chaîne et 4 aussières à terre, normalement on devrait être tranquilles. La manœuvre d’entrée est un peu complexe, il faut se retourner et il n’y a pas vraiment la place : je suis à la barre, Antoine dans l’annexe s’est transformé en remorqueur tel qu’on les voyait à Nantes pousser plein gaz le nez des cargos. Non, nous ne sommes pas des gros tas, nous avons juste un rayon de braquage un peu trop grand.
L’île de Pleneau est recouverte de manchots papous, qui nous offrent quelques beaux clichés.
Au retour, sur un bourguignon, un léopard des mers est vautré. On ne dirait pas sur la photo, mais c’est carrément moins mignon qu’un phoque, et il paraît que c’est plutôt agressif… On garde nos distances, la bête est impressionnante même de loin.

18 février – Canal Lemaire
La météo est bonne, nous allons enfin pouvoir emprunter le passage Lemaire. C’est un peu « the place to cruise » de l’Antarctique, une vraie photo National Geographic : entre deux chaînes de montagnes, un étroit défilé long de 5 ou 6 milles nautiques (une dizaine de kilomètres), qui peut très facilement être bloqué par la glace. Nous appelons un bateau qui vient d’en sortir, il nous confirme que la voie est libre.
Le paysage est incroyable : les montagnes se reflètent dans l’eau, les glaçons sur les nuages, les seules vagues sont celles de notre étrave et des quelques baleines qui passent. On se fait un petit couscous maison, parce qu’il ne faut pas se laisser aller tout de même.
Vers la fin du passage, le vent se lève et la glace arrive en même temps ; heureusement que nous sommes presque sortis, quelques heures de plus et nous aurions dû faire demi-tour… C’est dans ce genre de moments où nous sommes ravis qu’Aukena ait été construit par Christian, qui n’a pas lésiné sur les épaisseurs de tôle et de soudure. Nous ne nous posons pas trop de questions quand nous cognons des petits glaçons, c’est surtout la peinture qui prend.
19 février – Port Lockroy
Après quelques heures à slalomer dans le pack, nous arrivons enfin à Port Lockroy. C’est une base Anglaise, avec le drapeau qui va bien et le portrait de la reine à l’intérieur. Le temps de nous amarrer comme il faut, il est 19h30, la visite ne sera pas pour aujourd’hui. Sauf qu’elle ne sera pas pour demain non plus, nous sommes tombés sur LE jour de congé bi-mensuel des British… On se résigne à attendre le surlendemain.
Devant la base, des squelettes de baleines centenaires, magnifiquement préservés par le froid. Même après les avoir vues vivantes, la taille des os nous impressionne…
Puis c’est enfin notre tour d’aller visiter la base. On ne sait pas trop à quoi s’attendre, la seule info que nous avons étant qu’il est possible d’envoyer du courrier (!), ce qui nous donne plutôt envie. A notre arrivée, l’un des résidents de la base nous demande : « c’est vous sur le voilier Aukena ? Vous avez du courrier ! » What ? On se regarde, les yeux écarquillés : qui pourrait nous envoyer du courrier ici ?
Et bien c’est Nicolas, un ami de Marine et Manon, qui a déjà fait une saison sur les îles Crozet ; il sait un peu comment fonctionnent les bases en Antarctique, il n’y a que lui qui aurait pu penser à nous envoyer une lettre. C’est complètement génial, nous l’ouvrons dans la boutique de souvenirs au milieu des clients des charters qui ne comprennent pas trop ce qu’il se passe. Mille mercis pour cette idée, qui nous a fait chaud au cœur après 3 semaines d’isolement !
Pour ce qui est du reste de la visite, on aurait dû se douter de quelque chose quand à la VHF, la responsable nous dit « venez avec les 2 autres voiliers qui sont là, je vous cale entre deux cruise ships » …
La base n’est en fait qu’une plate-forme touristique pour les paquebots, avec bel et bien un bureau de poste fonctionnel (la Penguin Post). La boutique occupe la plus grande partie du bâtiment principal, et on marche entre des plots, en groupe, avec un chronomètre serré. Ce n’est vraiment pas ce dont on a l’habitude, et quand ils nous pressent pour écrire nos cartes postales car un paquebot arrive avec 400 passagers dans 15min, on est pas très contents…

21 février – Enterprise Island
Notre prochaine escale, c’est Enterprise Island. Ce spot est connu, car c’est probablement le seul où il n’est pas nécessaire de poser l’ancre : au milieu d’une baie pointe l’étrave de l’épave du baleinier Guvernøren, échoué en 1915 suite à un incendie (ah tiens, l’huile de baleine, ca brûle bien ?). Deux trois amarres, et paf, ça fait des chocapic, on se croirait à la marina.
Ce sera notre 2nde grosse erreur de l’expédition : en voulant tourner derrière l’épave pour avoir le nez vers le large, Antoine est à l’avant mais n’est pas très concentré sur les fonds qui remontent. Nous touchons méchamment les cailloux, le bateau est posé, il ne veut plus repartir. La marée est quasi haute, nous n’avons que quelques minutes pour libérer le bateau : dans le cas contraire, nous resterons posés là, non amarrés, à la merci de la houle et des mouvements d’eau…
Après quelques instants à pousser le moteur à fond – qui décide d’ailleurs de caler, merci le timing – je descends dans l’annexe pour pousser l’étrave en dehors de la zone de hauts-fonds ; petit à petit, à grands coups d’accélérateur, nous réussissons à nous décoincer.
Quelques amarres sur l’épave, le stress redescend. C’est dans ce genre de moments que je réalise pleinement qu’en cas de problème, la situation peut très vite dégénérer : la météo est tellement instable que nous n’avons pas le droit à l’erreur…
La tôle de l’épave est rouillée, fondue, distordue et pourtant étrangement belle. Des têtes de harpons de la taille d’un avant-bras sont toujours rangées sur les côtés, impressionnantes.
Petite tour sur les îles environnantes : du blanc, du bleu, un peu de noir. C’est tranquille, ça inviterait presque à la méditation. Sauf qu’à côté, des russes sur un iceberg se baignent tout nus dans l’eau en criant très fort. De quoi casser notre zen.
Il y a aussi des barques en bois hyper bien conservées (100 ans quand même, ça les fait pas) et les barils qui servaient à contenir l’huile de baleine du Guvernøren.
On a du temps devant nous, et pas grand chose à faire : notre esprit artistique s’emballe, et on décide donc de tourner un clip. Je vous laisse apprécier:
Point culture : un petit bout d’iceberg qui se balade, en anglais ça s’appelle un growler. Et apparemment, en français, on traduirait ça par « bourguignon » ! Imaginez notre joie, notre fierté, quand Marine et moi apprenons ça (car Marine aussi fait partie de cette élite). Alors pour ceux qui comprendront, voici un ban bourguignon, par des bourguignonnes, sur un bourguignon…
24 février – Two Hummock Island
Une escale qui aura pour unique intérêt de prouver l’utilité de notre drone Parrot Anafi. En arrivant sur l’île, nous n’avons comme très souvent aucune cartographie plus précise que celle ci-dessus, si ce n’est un croquis à la main d’un autre bateau. Nous arrivons devant une baie qui ressemble à celle qui nous intéresse, sauf que les fonds remontent plus que ce qui est indiqué ; nous nous décalons de quelques mètres, pensant avoir raté l’entrée, mais c’est la même chose.
Nous n’avons pas beaucoup de temps avant le coucher du soleil, je dis à Antoine d’envoyer le drone pour voir les fonds plus clairement. Et heureusement …

Cette baie est complètement fermée par des récifs, la bonne baie est en fait celle d’à côté, juste au sud. Malheureusement, on voit sur les images du drone qu’elle est encombrée de glace, rendant le mouillage compliqué. Nous allons quand même y faire un tour pour être sûrs :

Changement de plan donc, direction une autre baie au Nord-Est de l’île. Pas de vent prévu cette nuit, nous devrions être tranquilles, d’autant qu’il y a la place pour poser l’ancre sans mettre d’amarres à terre (ce qui est à la fois plus rapide et plus sécurisant pour les glaçons qui passent).
En réalité, ce sera la deuxième pire nuit de toute l’expédition, avec une petite houle scélérate qui rentre dans la baie et nous fait rouler comme un tonneau (cf. le monsieur qui a traversé l’Atlantique en tonneau). Je ne dors pas de la nuit, mais les étoiles sont magnifiques, merci le trou dans la couche d’ozone.
25 février – Trinity Island
Départ dans la joie et la bonne humeur (ahah) pour Trinity Island, où nous allons nous abriter d’un coup de vent. Nous arrivons le soir, 50m de chaîne et 2 amarres à terre. Les vents annoncés ne sont pas très forts, mais la montagne devant nous fait petit goulet qui laisse prévoir des bonnes grosses rafales catabatiques. Nous gardons l’œil ouvert sur l’anémomètre.
En attendant que le vent n’arrive, un peu de balade/escalade à terre le long des falaises, avortée quand l’une de mes prises – un bloc de 200kg – part avec ma main ; il me tombe sur l’épaule, mais je me dévie juste assez pour ne pas qu’il m’emporte. Je redescends donc sagement, encore une fois, l’isolement en Antarctique me laisse pensive quant à la possibilité de vrais problèmes…
Pour fêter le fait que je ne sois pas morte, ce sera un repas foie gras – Chandon (merveilleuse découverte que ces faux champagnes argentins à 5 euros, pas bons mais pas mauvais non plus !). Et le lendemain, sushis !
Nous étudions aussi la météo : comme nous le craignons depuis quelques jours déjà, nous sommes obligés d’annuler notre escale à Deception Island. La météo n’est pas bonne, et nous n’avons pas le temps d’attendre une meilleure fenêtre à cause de l’avion de Marine et Manon le 11 février. C’est triste, car l’île est historiquement fascinante, a l’air très belle, et a surtout des sources chaudes qui me faisaient rêver depuis des mois…
27 février – Cap Herschel
Notre prochain stop sera donc Cap Hershel, sur la route pour retourner à notre point de départ Melchior. Il fait beau, nous mangeons des croissants confectionnés par Manon (gros miam), il y a des otaries, des manchots et des baleines.
Deux options de mouillage : au nord, très bien protégé mais gros risque de ne plus pouvoir sortir à cause des icebergs, ou au sud, plus ouvert. Nous allons voir le nord, qui est effectivement totalement inaccessible, et nous rabattons sur le sud. On est bien, encore une fois il n’y a même pas besoin de mettre de lignes à terre.

Arrivés tard, et repartis tôt : pas grand chose de plus à dire sur Cap Herschel !
28 février – Portal Point, Charlotte’s Bay
C’est sans aucun doute la plus belle de nos navigations en Antarctique – allez, égalité avec le passage Lemaire. Après quelques heures au moteur, sous le soleil sans un gramme de vent, nous apercevons un groupe de baleines devant nous. Nous nous approchons, puis coupons le moteur. Elles nous offrent alors une visite incroyable, curieuses, tournent et retournent autour du bateau. Leurs souffles sont à quelques mètres seulement, des gouttelettes nous tombent sur le visage ; on distingue nageoires, queues, évents, ventres et bouches, tout est là, presque à portée de main. Antoine envoie le drone, mais il plante, ne filme pas. C’est tellement beau qu’on s’en fout.
Après presque une heure, les mastodontes s’en vont tranquillement. Mais 30 minutes plus tard, un nouveau souffle, un nouvel aileron. Cette fois, la baleine est seule. Elle ne bouge pas (dort peut-être ?), nous sommes trop proches d’elle, ne voulons pas rallumer le moteur. Elle finit par se réveiller, et viendra elle aussi examiner le bateau sous tous les angles. Tant de grâce dans un corps aussi massif, c’est hypnotisant…
Nous pourrions rester des heures à regarder ces déesses de la mer, partout où notre regard se pose, des nageoires et des queues troublent la mer d’huile. Mais il faut quand même arriver avant la nuit, qui tombe désormais à presque 20h30 (-30 minutes de soleil chaque jour !). Charlotte’s Bay fait honneur à sa réputation, nous devons slalomer entre les baleines et les icebergs pour atteindre l’entrée de la petite baie.
Ce mouillage est extrêmement protégé, encore faut-il réussir à rentrer dedans : une grande barre de roches, une passe d’une vingtaine de mètres de large et de seulement 3m de profondeur. Nous allons sonder en annexe avant de passer avec Aukena, grâce à notre petit sondeur à main bluetooth bien pratique.

Une fois à l’intérieur, fond de sable/vase de très bonne tenue, c’est rare et appréciable en Antarctique. 40m de chaîne et deux amarres à terre, nous avons à peine le temps d’aller revoir une dernière fois les baleines, le soleil se couche.
Point bizarre : Pendant nos 4 semaines en Antarctique, c’est le seul soir où nous avons le droit à un vrai coucher de soleil, avec du orange, du jaune et des couleurs normales de coucher de soleil. Tous les autres soirs, la lumière décroissait juste progressivement, pour terminer sur des bleus-gris clairs… Si quelqu’un est expert en couchers de soleil, on prend une explication !

29 février : Melchior
La fin de l’expédition approche. Le moral est mitigé : nous avons assez d’images et de souvenirs en tête pour les 10 ans à venir, mais il y a tant que nous n’avons pas vu… Et puis il nous reste à affronter le passage de Drake, encore plus compliqué au retour qu’à l’aller. Nous devons aussi prendre assez de marge pour que Marine et Manon attrapent leur avion le 11 mars.
Notre mouillage de Melchior est toujours là, l’énorme bloc de glace qui menaçait de s’effondrer n’a pas bougé. La neige a reculé de quelques mètres sur la falaise : on apprendra plus tard que les températures ont été exceptionnellement chaudes cet été. Le réchauffement climatique est ici bien visible…
Samai, l’unique autre voilier de plaisance que nous avons croisé en péninsule, occupe la place principale dans la petite baie entre les îles Eta et Omega. Nous nous amarrons un peu plus loin, sous la neige.
C’est le dernier soir, il nous reste une tradition à respecter avant de rentrer : trinquer avec des glaçons de l’Antarctique. Jusqu’à maintenant, on tournait plutôt au vin, chaud ou froid. Caïpirinhas au chaud près du poêle, dehors les flocons tiennent sur le pont pour la première fois !
Drake retour
Nous ne parlons pas beaucoup pendant le départ ; chacun, dans ses pensées, profite au maximum des derniers instants. Tristesse de partir, envie d’arriver, légère anxiété de la navigation à venir et adrénaline de la mer… Ce mélange de sentiments qu’on ne connaît que trop bien, qui accompagne chaque traversée, et ici décuplé.
20 nœuds de vent au près bon plein, la mer n’est pas trop désagréable, nous avançons à 6 noeuds. Le Stugeron, ce médicament formidable, fonctionne à merveille sur Antoine et Manon.
Point panique : après quelques heures, je suis de quart à l’intérieur. Je somnole, un œil sur le radar et les instruments. Soudain, je sursaute, une sensation d’urgence étrange me pousse à sortir dehors : à 5m du bateau sur l’avant, une baleine. Nous lui fonçons droit dessus. Je me jette sur la barre, nous frôlons sa queue, elle se retourne sur le dos et claque une nageoire ; j’espère que nous ne l’avons pas touchée. Je ne sais pas si je l’ai entendue (peu probable au près par 25 nœuds de vent), toujours est-il que nous ne sommes pas passés loin de la catastrophe… Je me force à ne pas prendre ça comme un mauvais augure pour le reste de la navigation.
Nous retrouvons le froid et l’humidité, qui est cela dit moins pire qu’à l’aller. Le près est désagréable, le moral bas. Chacun fait sa vie de son côté, les quarts s’enchaînent.
Le 3ème jour, le soleil revient, et la bonne humeur avec. C’est fou comme l’humain est dépendant de la vitamine D ! Nous croisons des dauphins sablier, une nouvelle espèce de dauphin à ajouter à notre répertoire.
Dès le 2ème jour, notre cap est globalement très mauvais. Nous avons entre 1 et 2 noeuds de courant dans le nez pour aller à l’ouest, et alternons entre un cap à 270º et 020º. 5 jours au près à faire des virements quand nécessaire, c’est LONG…
Point météo : nous apprendrons à notre retour que le 5ème jour de notre traversée, il y a eu plus de 70 nœuds de vent établis au Horn, avec des rafales à 115 nœuds. On est plutôt bien contents d’avoir raté notre route à l’ouest.
Point catastrophe : 14h00 le 6ème jour, Antoine et Marine sortent pour rouler un peu de génois, le vent s’est levé à 25 nœuds. L’écoute glisse des mains d’Antoine, bat furieusement et lui claque sur la main. Sur le moment, il ne sent pas grand-chose, termine la manœuvre et rentre à l’intérieur. Je vois son visage devenir blanc, puis jaune, il tremble et s’allonge ; je regarde sa main, son annulaire est tordu à 90ª vers son pouce. Il dit n’avoir pas trop mal, tâte son doigt, peut le bouger : on en déduit qu’il n’est pas cassé, et on essaie de le remettre droit en tirant dessus (comme dans les films). Ça marche à moitié : après un petit « pop » le doigt est droit, mais dès qu’il le plie, il re « pop » et repart dire merde aux autres doigts. Nous décidons d’appeler via téléphone satellite le CROSS de Toulouse pour avoir un avis médical plus éclairé que ma connaissance étendue de Dr. House. Ils nous disent de tirer un peu plus fort pour être sûrs de bien réemboîter l’articulation : je fais donc ça, ajoute une jolie attelle bandée, un gros doliprane et au lit.
Nous terminerons les 2 derniers jours de navigation à 3 : Antoine fait quand même ses quarts de nuit, mais appelle quelqu’un dès qu’il y a une manœuvre à faire. Autant vous dire que déjà que je dormais un œil ouvert jusque-là, maintenant je ne dors quasiment plus du tout. Mon niveau de fatigue approche l’insoutenable.
Le 7ème jour, toujours au près, nous approchons tant bien que mal de l’entrée du Beagle. Une dépression passe, du vent est prévu : nous espérons quand même faire route directe au moins jusqu’à Puerto Harberton, un mouillage sécurisé.
Le vent monte, et la radio VHF commence à s’affoler : les Chiliens ferment progressivement tous les ports, certains mouillages et même quelques passages entre des îles. Le bulletin météo prévoit des rafales à 100km/h, ce qui n’est vraiment pas très cool. Nous avançons tant bien que mal, 2ème puis 3ème ris à la grand-voile. Les rafales sont bien là, il ne nous reste que quelques milles avant l’entrée à Harberton…
2h du matin, nuit noire, pluie battante et 50 nœuds de vent : pas les meilleures conditions pour entrer dans un mouillage inconnu. Antoine est à l’intérieur, les yeux rivés sur le radar : je suis à la barre, chapotant Marine au guindeau et Manon au spot pour éclairer les éventuels bateaux au mouillage et les nappes de kelp qui pourraient nous bloquer. 1h et 70m de chaîne plus tard, je n’ai plus de voix tellement il a fallu crier fort pour s’entendre. L’essentiel, c’est que nous sommes enfin arrivés « quelque part ». On est tous trop fatigués pour le réaliser, mais ça y est, nous sommes revenus d’Antarctique…
Le lendemain, nous découvrons en lumière la baie de Puerto Harberton, et allons faire un tour à terre. Petite déconvenue : il faut payer une « entrée » pour pouvoir visiter la ville et avoir le droit de manger au restaurant/café. Après 5 semaines en autarcie, on a très envie d’un cookie mais 10 euros pour avoir le droit de le commander et le repayer derrière, ça nous rebute.
Nous irons donc juste nous promener aux alentours, de toute façon revenir d’un tel voyage nécessite une petite transition avant de s’assoir dans une salle de restaurant bondée !
Nous partons le soir même, pour atteindre Ushuaia tôt le lendemain. Le vent est calme jusqu’au Paso McKinlay, puis se stabilise à 15-20 nœuds dans le nez, ce qui ralentit considérablement notre vitesse au moteur…
9 mars – Arrivée a Ushuaia
ET VOILA, VENI, VEDI, VICI ANTARCTICA.
On est épuisés, bouillants, contents, tristes, tellement de choses à la fois. Mais la première chose que l’on fait (après la traditionnelle visite aux autorités douanières of course), c’est d’aller à l’hôpital pour une radio du doigt d’Antoine. Quand le médecin reçoit le fichier sur son ordinateur, l’ouvre et fait « oh-oh », on se doute que ce n’est pas terrible…
C’est cassé, et bien comme il faut. Dans la salle d’examen, ils ne comprennent pas trop pourquoi il ne se roule pas par terre de douleur. Ils parlent de chirurgie, de broches… Le traumato décide finalement d’essayer de laisser le doigt cicatriser tout seul en attelle ; sauf qu’Antoine est très indiscipliné, et que même en dormant, il se débrouille pour taper son doigt contre les murs. Nous retournerons quelques jours plus tard à l’hôpital pour avoir plus d’infos sur les broches, sauf qu’entre-temps, le confinement commence en Argentine : les médecins lui font gentiment comprendre qu’une fracture n’est pas une priorité… Affaire à suivre !
Marine et Manon sont parvenues de justesse à rentrer en France, juste avant les premières fermetures de frontières.
Nous sommes de nouveau à deux (trois avec Mousse !), et pouvons commencer à réfléchir à l’après-Antarctique. Sauf qu’avec le coronavirus… Je disais depuis quelques mois que je ne voulais rien prévoir après le 11 mars, pour rester concentrée sur l’expédition. Je crois que l’univers m’a prise un peu trop au sérieux.
Ceci étant dit, ne pas avoir de programme ne nous panique pas, le confinement n’est qu’une traversée océanique comme une autre. Une espèce de bulle temporelle dans laquelle le temps passe différemment. Nous n’allons pas bouger d’ici pendant un moment, et cela nous convient très bien !
Absolument GÉNIAL … BISES de Gilles et Cédric
Une étoile exceptionnelle vous est attribuée à l’unanimité par le Grand Maître des Frères de l’Entrecôte….confiné aussi mais …..aux Marquises 😎
Très fier de ce que vous avez pu réaliser. Une expérience unique et magique, avec quelques frayeurs, mais qui s’est globalement bien passée. Reste à soigner ce doigt et on a hâte de vous retrouver. Gros bisous.
Journal de bord très agréable à lire !!! Merci ma chère cousine !!
C’est splendide tous ces paysages, une découverte de l’Antarctique à travers vous car je ne pense pas que j’aurais l’occasion d’y aller un jour!…
Whouahou quelle aventure !
C’est splendide l’Antarctique, je profite du confinement pour rattraper mon retard et vous lire… Je suis impressionné par votre expédition et j’apprécie beaucoup le rythme donné dans l’article entre les récits, les photos et ce super journal de bord illustré, j’adore 🙂
On pense fort à vous et on vous envoie des bonnes ondes pleines de calcium Antoine pour que ton doigt se répare !
Gillou & Cam’s
Hello Gilles, la « Drogue de Jordan » peut être considéré comme un assurance…c’est comme notre pharmacie, on l’a à bord mais on espère ne pas s’en servir! Les conditions pour la descente et la remonté de l’Antarctique était parfois musclées mais ont n’a pas eu besoin de se servir de ce trainard fort heureusement! Les vagues n’ont pas dépassé 3-4m de hauteur!